par Patrick » 12 Mar 2016 16:45
Chers amis
Nous avons vu la dernière fois que Swedenborg avait une lecture de l’histoire de l’humanité enracinée dans un récit biblique interprété comme une allégorie de son évolution. Une histoire centrée sur le lien qui relie l’humanité au sacré et au Divin. Ce grand cycle de l’humanité se développe en plusieurs grandes périodes qui s’inscrivent dans un vaste mouvement d’ensemble. Dans sa vision, de l’époque, symboliquement décrite par le jardin d’Eden, jusqu’à la naissance du Christ, il y a un processus involutif qui représente une perte progressive (par palier) du lien initial et premier avec le Divin. A partir de l’incarnation du Christ en tant que “Logos”, “Souffle de vie incarné”, “Lumière de l’esprit en parole”, et donc “Parole divine”, s’amorce un deuxième mouvement de remontée évolutive que développe la prophétique de l’Apocalypse de Jean, et dont la “descente de la Nouvelle Jérusalem céleste”, “cité de Dieu avec les hommes”, marque le point d’accomplissement ultime. Une remontée qui passe aussi par de nombreuses nouvelles chutes et nouveaux points culminants, que développe le scénario apocalyptique de Jean.
Il faut retenir que pour Swedenborg l’histoire biblique est avant tout “symbolique”, thèse que la recherche dans le domaine des sciences bibliques tend aujourd’hui à démontrer. De ce point de vue par exemple le mythe génésique de la chute, qui fait passer l’homme du statut de “gardien du jardin de la création” à celui “de jardinier de la terre”, serait une expression mythologique du passage de l’économie de chasse et de cueillette à celle de l’élevage et de l’agriculture, qui a marqué la révolution néolithique. Le mythe de Caien et Abel symboliserait à son tour le passage d’une économie pastorale primitive et nomade à une économie agricole sédentaire, etc.
Il va de soi que Swedenborg, qui a accès au sens interne de ces textes sacrés, va beaucoup plus loin, et qu’il donne des indications qui relèvent tout de suite d’un autre ordre. Il faudra, à l’occasion, développer davantage le vaste scénario des différentes ères, que Swedenborg nomme “Eglises”, qui ne manque ni d’intérêts ni d’interrogations fructueuses, mais nous verrons cela plus tard.
Nous avons vu que la question du jugement traverse littéralement toute l’oeuvre de Swedenborg. Dans la volumineuse concordance de Poots, en 6 gros volumes, on trouve 12 pages de références sous “Jugement”, et pas moins de 56 pages sous “Jugement Dernier” ! Toutefois dans son tout dernier ouvrage, “Vraie Religion Chrétienne”, il renvoit plusieurs fois à deux petits traités :
« Que le Jugement Dernier ait été fait dans le monde spirituel dans l’année 1757, c’est ce qui a été montré dans l’Opuscule sur le “Jugement Dernier”, publié à Londres en 1758, et dans la “Continuation sur le Jugement”, publiée à Amsterdam en 1763; je l’atteste, parce que je l’ai vu de mes propres yeux en pleine veille. »
Voici le titre complet du premier opuscule en question :
« Du Jugement Dernier et de la Babylone détruite ; ainsi que tout ce qui a été prédit dans l'Apocalypse, et qui est aujourd'hui accompli. D'après ce qui a été vu et entendu. », Londres, 1758.
« Dans le monde Chrétien on ignore absolument que le Ciel et l’Enfer proviennent du genre humain. On croit en effet que les anges ont été créés dès le commencement, et que de là est résulté le Ciel ; et que le diable ou Satan a été un ange de lumière, mais qu’étant devenu rebelle, il a été précipité avec sa troupe, et que de là est résulté l’Enfer. (...) .Si l’homme de l’Eglise est dans une telle croyance c’est parce qu’il croit qu’aucun homme ne vient dans le Ciel ou dans l’Enfer avant le temps du Jugement dernier, au sujet duquel il a pris cette opinion, que toutes les choses qui sont devant les yeux doivent alors périr ; qu’il en existera de nouvelles ; qu’alors l’âme doit revenir dans son corps, et que par cette conjonction que l’homme vivra une seconde fois homme.
Pour que l’homme soit convaincu qu’il n’en est pas ainsi, il m’a été donné d’avoir société avec les anges, et ainsi de parler avec ceux qui sont dans l’enfer, et cela maintenant depuis plusieurs années, parfois continuellement depuis le matin jusqu’au soir, et ainsi d’être instruit au sujet du Ciel et de l’enfer. Cela m’a été donné, afin que l’homme ne persiste plus dans cette foi erronée sur la résurrection au temps du Jugement Dernier. Laquelle foi porte au doute et enfin à la négation chez ceux qui pensent sur les choses d’après leur propre intelligence (leur propre raison).
En effet , ils disent dans leur coeur : Comment un ciel si grand, avec tant d’étoiles, le soleil et la lune, pourraient-ils être détruit ? Comment les étoiles pourraient-elles tomber du ciel sur la Terre, elles qui sont tellement plus grandes que la Terre ? Comment des corps rongés par les vers, consumés par la pourriture, et dispersés par tous les vents, pourraient-ils être rassemblés vers leur âme ? Et où est l’âme en attendant ce moment ? Outre plusieurs choses semblables, qui, parce qu’elles sont incompréhensibles, détruisent chez plusieurs la foi dans la vie éternelle de l’homme, dans le Ciel et dans l’enfer, et plusieurs autres points qui appartiennent à la foi chrétienne. » (JD 15)
Le cadre est posé avec brio, les arguments sont clairs et percutants. Swedenborg dresse un rapide “état des lieux”, assoit son expérience de vision spirituelle avec autorité, et s’attache d’emblée à démystifier tout un corps de croyances séculaires, autant obsolettes qu’irrationnelles, pour nous révéler une autre réalité, bien plus compréhensible et évidente.
Ces croyances, nous dit-il, sont le fruit d’une lecture et d’une interprétation de l’imagerie biblique bien trop littérale. Le langage de la Bible est avant tout symbolique, et il ne peut réellement être compris qu’à la lueur de son sens spirituel :
« Mais comme personne n’avait encore su que dans toutes et dans chacune des choses de la Parole il y a un sens spirituel, ni même ce que c’est que le sens spirituel, ceux qui ont adopté cette opinion sur le Jugement Dernier sont pour cela même excusables. Néanmoins, qu’ils sachent maintenant que le ciel visible aux yeux ne sera point détruit, et la Terre habitable non plus, mais qu’ils resteront l’un et l’autre ; et que par le Nouveau Ciel et la Nouvelle Terre il a été entendu une nouvelle Eglise, tant dans les Cieux que dans les Terres. » (JD 1)
Swedenborg est formel sur ce point il n’y aura jamais destruction de notre Terre et encore moins du ciel sidéral, il n’y aura jamais aucune fin du monde ! C’est un mythe qui représente autre chose, parce qu’il fait référence à un autre plan de réalité.
Swedenborg a des arguments étonnants pour justifier cette assertion :
« Que les générations du genre humain doivent se continuer à éternité, on peut le voir d’après plusieurs raisons, principalement d’après celles-ci : que le genre humain est la base sur laquelle est fondée le Ciel, et qu’il est la pépinière du Ciel. » (JD 7)
De nos jours, cela vient plutôt en contradiction avec les sciences astrophysiques qui nous disent qu’une fois que notre soleil aura consommé tous son carburant il se dilatera avant de s’effondrer sur lui-même, entraînant dans sa chute tout son système planétaire dont la Terre. Cela ne devrait toutefois pas avoir lieu avant 5 ou 6 milliards d’années. Lorsque l’on considère que “homo sapiens sapiens” n’a que cent mille ans et la civilisation dix mille, sur une échelle de distance de 6000 kilomètres, “sapiens” n’y mesure que 100 mètres, l’invention de l’agiculture et de l’écriture 10 mètres. Cela nous laisse encore pas mal de temps !
Beaucoup de scientifiques pensent qu’avec le dérèglement climatique et la nouvelle extinction massive des espèces, sans parler de toutes les autres menaces, la survie de l’humanité est condamnée à moyen terme. Ce n’est certainement pas impossible, mais si l’on considère toutes les crises évolutives à travers lesquelles l’humanité est déjà passée, on peut raisonnablement penser que nous n’avons peut-être pas encore dit notre dernier mot.
Il n’y a donc ici aucune raison de faire du catastrophisme, la fin du monde n’aura jamais lieu, et cela d’autant que pour Swedenborg, elle a déjà eu lieu ! :
« Toutes les choses qui ont été prédites dans l’Apocalypse, et qui y sont contenues dans le sens spirituel, sont aujourd’hui accomplies. » (JD 40, 44)
« Le Jugement Dernier a lieu quand arrive la fin de l’Eglise (par le terme d’Eglise, Swedenborg entend ici un cycle entier de civilisation, conditionnée par une “économie du sacré” particulière), et c’est la fin de l’Eglise lorsque l’équilibre entre le Ciel et l’enfer commence à faillir, et avec cet équilibre le “Libre” de l’homme, et quand le Libre de l’homme est détruit, l’homme ne peut plus être régénéré. En effet, tout Libre de l’homme vient de l’équilibre entre Ciel et enfer en lui. Privé de ce Libre il est alors (naturellement) porté vers l’enfer, et il ne peut plus être conduit par le Libre vers le Ciel. » (JD 33)
« Le Jugement Dernier vient d’avoir lieu dans le monde spirituel et il m’a été donné de voir de mes yeux toutes ces choses, afin que je puisse les attester. Ce jugement Dernier a commencé dans les premiers jours de l’année précédente, 1757, et a été pleinement accompli à la fin de cette même année. Ainsi toutes choses ont été remises dans l’ordre, et par là l’Equilibre spirituel qui existe entre le bien et le mal, le Ciel et l’enfer, a été rétabli. » (JD 45)
« Mais il faut qu’on sache que le Jugement Dernier a été fait sur ceux qui ont vécu depuis le temps du Christ jusqu’à ce jour, et non sur ceux qui ont vécu auparavant. En effet, sur cette Terre le Jugement Dernier avait eu lieu précédemment deux fois. L’un de ces jugements est décrit dans la Bible par le Déluge, l’autre a été accompli par le Christ lui-même lorsqu’il était dans le monde. » (JD 46)
On voit encore clairement ici qu’il n’y a pas un Jugement Dernier, mais des Jugements Derniers successifs qui rythment chaque grand cycle d’histoire et de civilisation.
Revenons à présent sur les détails de ce Jugement Dernier dont Swedenborg nous dit avoir été le témoin assermenté :
« La manière dont ce Jugement Dernier a été fait ne peut pas être décrit avec détails dans cet Opuscule, parce qu’il y a un très grand nombre de choses à exposer, mais elles seront décrites dans l’explication sur l’Apocalypse. En effet, le Jugement a été fait non-seulement sur tous ceux qui étaient de l’Eglise Chrétienne, mais aussi sur toutes les nations qui sont sur ce Globe. » (JD 47)
Il avait déjà annoncé que cette explication de l’Apocalypse serait rendue publique dans deux ans, (JD 42). Il rédigera effectivement, au cours des trois années 1757-1759, une “Apocalypse Expliquée” en quatre gros volumes qu’il ne publiera jamais. Il ne publiera une “Apocalypse Révélée” en deux volumes, entièrement refondée, qu’une dizaine d’années plus tard (1766). Cet ouvrage sera une des oeuvres majeures de sa période théologique. Comme ses “Arcanes Célestes”, pour les textes de la Génèse et de l’Exode (les deux premiers livres de la Bible), son “Apocalypse Révélée” (le dernier livre de la Bible) sont les deux grands ouvrages exégétiques de son oeuvre. Ils sont censés développer de façon systématique le sens interne ou spirituel de ces textes. Censé, car comme à son accoutumé, quand Swedenborg dit qu’il va développer un sujet il se met à parler d’autres choses, pour développer ailleurs le dit sujet, à un endroit où l’on ne l’attendait pas, d’où l’importance des index. Cette parenthèse faite, revenons à présent à notre petit opuscule. Ce jugement s’est opéré d’au moins deux façons différentes, individuellement d’abord et collectivement ensuite.
« Le Jugement Dernier vient d’être fait, non dans les Terres mais dans le monde spirituel, ou les méchants ont été jetés dans les enfers, et les bons élevés dans le Ciel, et qu’ainsi toutes les choses ont été remises dans l’ordre, et que par là, l’Equilibre spirituel qui existe entre le bien et le mal, entre le Ciel et l’enfer, a été rétabli. » (JD 45)
« Il y a eu des ordinations de toutes les nations et de tous les peuples, sur lesquels il y a eu Jugement dans le monde spirituel. Ces ordinations se sont faites selon les quatre plages, qui dans la Parole sont appelées les quatre Vents (les quatre directions ou régions cardinales) Ces ordinations des nations, selon les plages, sont conformes à la commune faculté de chacune de recevoir les divins vrais. C’est pourquoi, dans le monde spirituel, chaque société est connue par la plage et par le lieu de la plage où il habite. » (JD 48, 49)
Je passerai sur les descriptions que Swedenborg fait de ce gigantesque “remaniement” dans ce monde intermédiaire entre les Cieux et les enfers, et qu’il nomme le “Premier Ciel”. Elles occupent quasiment tous les chapitres qui suivent jusqu’à la fin de l’opuscule. Les scènes qu’il décrit font penser aux tableaux de Brugel l’Ancien ou de Jérôme Bosch, je suppose que cela doit sembler assez surréaliste pour un néophyte. On ne peut s’empêcher de penser aux scènes de Jugement Dernier dans l’imagerie médiévale. Notons aussi qu’il y parle aussi régulièrement de la question de la vie après la mort et de divers autres sujets. Ce qui nous intéresse ici se trouve à la fin de son petit traité :
« L’Etat du Monde dorénavant sera absolument semblable à ce qu’il a été jusqu’à présent, car ce grand changement qui a été fait dans le monde spirituel, n’introduit aucun changement dans le monde naturel quant à la forme externe. C’est pourquoi il y a dorénavant des choses civiles comme auparavant, il y aura des paix, des alliances et des guerres, et tout ce qui concerne les sociétés en général et en particulier. Quant à ce qui concerne l’état de l’Eglise, c’est lui qui ne sera plus dorénavant semblable. Il sera semblable, il est vrai, quant à l’appartenance externe, les Eglises seront divisées comme auparavant leurs doctrines seront enseignées comme auparavant, de même que les religions chez les nations, mais l’homme de l’Eglise sera dorénavant dans un état plus libre de penser sur les choses de la foi, ainsi sur les spirituels, parce que le Libre spirituel à été rétabli dans l’homme.
Comme le Libre spirituel a été rétabli dans l’homme, c’est pour cela que le sens spirituel de la Parole vient d’être découvert (dévoilé) et que par là les Divins Vrais intérieurs ont été révélés. » (JD 73)
Dans le dernier petit chapitre qui suit, il reprend, en guise de conclusion :
« J’ai eu plusieurs conversations avec les anges sur l’état de l’Eglise dorénavant, ils m’ont dit qu’ils ne connaissaient pas l’avenir, parce que savoir l’avenir appartient au Divin seul, mais qu’ils savaient que cet esclavage et cette captivité dans lesquels étaient précédemment l’homme de l’Eglise, ont été enlevés. Que maintenant, d’après le Libre qui lui a été rendu, il peut mieux percevoir les vérités intérieures s’il veut les percevoir, et ainsi devenir intérieur s’il veut le devenir. » (JD 74)
« Depuis ce jugement, dira-t-il plus loin, tout homme qui veut être illustré (c’est-à-dire enseigné de l’intérieur à travers les choses extérieures) et devenir sage, le peut. » (DP 263)
Il reviendra tout au long de son oeuvre sur ces nombreux points pour les expliciter toujours davantage. Revenons à présent sur les deux sujets postés par Nicolas et Bertrand.
Celui de Nicolas pour commencer :
“ Lorsqu'on parle d'Apocalypse, ne s'agirait-il pas d'un renouveau du message divin qui détruirait les fondations de l'église, d'où l'émergence de la Nouvelle Jérusalem. La Nouvelle Jérusalem étant une foi renouvelée basée sur les valeurs éternelles divines de paix et d'amour mais adaptée à notre époque ? ”
Dans la perspective de Swedenborg il ne s’agit donc pas tant d’un renouveau du message Divin que d’un renouvellement de notre capacité à l’appréhender, ce qui n’implique pas tant une destruction des fondations de l’Eglise, qu’un renouveau dans la façon de vivre la foi dans l’Eglise. Ce renouvellement spirituel de l’humanité est autant effectif à l’intérieur qu’à l’extérieur des Eglises et des religions. Oui, pour Swedenborg, le symbole de la Nouvelle Jérusalem est avant tout celui d’une humanité plus directement et plus intimement “connectée” avec les enseignements de vie, avec le monde spirituel et avec le Divin lui-même, quelle que soit “l’adaptation à l’époque” ou non, et plus généralement quelle que soit la forme extérieure que cela puisse prendre. Son message déborde donc très largement le cadre des Eglises et des religions, il renvoit chacun aux valeurs intérieures qui nous animent, et il est en cela étonnement universel !
Celui de Bertrand à présent :
“ Ce serait que la descente de la nouvelle Jérusalem signifie le rétablissement de la véritable connaissance des sujets divins ou des doctrines pures de la Parole de Dieu, et leur influence sur le coeur. En d'autrcs termes, que c'est la renaissance de la vraie Eglise du Seigneur chez les humains, et c’est ce qui est entendu par la manifestation de la Nouvelle Jérusalem. Selon la sublimité du langage prophétique, toute la constitution civile et ecclésiastique de la nation sera non-seulement ébranlée, mais entièrement dissoute. Une Nouvelle Jérusalem ne peut signifier autre chose non plus qu'une Nouvelle Eglise accompagnée de la formation (sans destruction) d'un nouveau Ciel et d'une nouvelle Terre, pour indiquer l‘entière nouveauté de l’Eglise quant à la vie intérieure et au langage extérieur, aux principes intérieurs et à la pratique extérieure, toutes les persuasions corrompues et tous les maux qui ont perverti les précédentes Eglises étant entièrement dissipés ou éloignés.”
“Que la descente de la nouvelle Jérusalem signifie le rétablissement de la véritable connaissance”, oui, mais disons plutôt que cette nouvelle connaissance découle spontanément de cette nouvelle liberté, et de cette nouvelle ouverture du coeur et de l’esprit à laquelle elle peut donner accès, et qui à fait passer l’homme de l’Eglise ou de la religion externes, à l’Eglise spirituelle, universelle et éternelle. Eglise spirituelle qui est le corps mystique du Christ, le Christ non plus seulement historique mais “cosmique” (archétypale). Cette “Eglise universelle” encore symbolisée par la Nouvelle Jérusalem, est, et restera absolument et définitivement “invisible pour les yeux”. Car elle est constituée par la communauté d’âmes et d’esprits de tous ceux qui dans ce monde sont en lien avec la Source Divine, et ceci quelque soit la forme, le visage et le nom qu’elle puisse prendre pour eux. En ce sens il n’y a pas une connaissance, mais autant de connaissances qu’il existe de chemins qui y mènent. Et la seule véritable connaissance est celle qui est formé par l’ensemble de toutes ces connaissances réunies et unifiées entre elles.
On peut dire en cela que la vision de Swedenborg nous fait transcender les limites de l’histoire et du monde pour en révélé la face cachée, les essentiels, afin de nous inviter à nous centrer et nous enraciner en eux. C’est en cela que sa pensée est à proprement parlé initiatique (initiatique : qui introduit, ou qui fait passer, dans le mystère.)
Bertrand, dans la vision de Swedenborg donc “la constitution civile et ecclésiastique de la nation” ne sera ni plus ni moins ébranlée qu’auparavant et certainement jamais tout à fait dissoute, et malheureusement, “toutes les persuasions corrompues et tous les maux qui ont perverti les précédentes Eglises” ne seront jamais entièrement dissipés ou éloignés, pour la simple raison qu’ils sont le terreau sur lequel croît continuellement, en positif et en négatif, l’Eglise spirituelle.
Après avoir développé les notions de Jugements Derniers à travers l’histoire spirituelle de l’humanité et la question du Jugement Dernier dont Swedenborg aurait été le témoin assermenté en 1757, nous aborderons une prochaine fois la question du “Jugement Dernier” non plus en général mais en particulier. En regard donc avec la régénération de l’homme et ce que Swedenborg nomme “les fermentations spirituelles”, ainsi qu’avec la vie après la mort et ce qu’il nomme “le processus de dépouillement des externes”.
Votre témoignage, Bertrand, illustre parfaitement ces processus de fermentations, de vastations et de renaissances intérieures dont parle si bien Swedenborg. Après les premières expériences d’éveil intérieur, suit généralement un état de grâce. Il y a une sorte de montée de la conscience vers la supraconscience et la lumière spirituelle, qui répond à cette providentielle descente de la lumière Divine en nous. Mais cet état de grâce ne dure qu’un temps. Bientôt l’ombre de tout ce qui doit mourir en nous (ce que Swedenborg nomme le vieil homme ou l’homme naturel) se révolte et cherche par tous les moyens à s’opposer à ce grand retournement qui va engendrer de nombreux changements. Dans ces périodes de crises intérieures il faut tenir bon et ne jamais déroger à la voie intérieure qui s’ouvre devant nous, d’abord comme un sentier étroit, abrupte, tortueux et parfois vertigineux. Il faut sans cesse “persévérer dans les petites choses” avec sincérité, humilité et patience, car le Ciel ne grandit en nous que de cette façon. Sincérité, fidélité et tempérance en toutes choses sont les trois vertus requises. Arrive alors le moment ou les “esprits guides” viennent à notre rencontre pour nous prendre par la main et nous conduire. Après nous avoir longuement éprouvé dans le temps, et à travers cela préparé, vient le temps où le Divin nous donne la vision absolue, définitive, qui fait de nous des connaissants. Commence alors un deuxième chemin ... Ne vous découragez donc surtout pas, ce qui vous arrive est le signe au contraire que le Divin vous appelle à la grande transformation ! Vous êtes dans les douleurs de l’enfantement à vous-mêmes, à l’homme spirituel qui est en vous, aussi, malgré la confusion, les souffrances, l’angoisse et la dépression que cela engendre, sachez que c’est une grande nouvelle, et la promesse d’une délivrance future
Pour les temps d’études, c’est-à-dire de lecture et de réflexion personnelle, un petit peu régulièrement vaut bien mieux que beaucoup trop vite. Il importe de savoir que les connaissances dont nous faisons l’acquisition ne valent que pour la réflexions que l’on s’en fait et la façon dont on les incorpore en soi et dans nos vies. Lire un peu, noter ce qui paraît important, c’est souvent une bonne aide pour mémoriser, méditer en soi ces choses, noter questions et reflexions sur un cahier dédié. Deux à trois heures par semaine est un bon début, et mieux vaut une heure que rien.
Pour les pratiques spirituelles ou exercices initiatiques, il est difficile voir impossible de les transmettre seulement par écrit, elles ne peuvent être le fait que d’une transmission orale, “in vivo”. Une des meilleures pratiques de base est certainement l’exercice de la méditation, qui implique trois fondamentaux : l’assise, la respiration et la concentration. Par “concentration” il est entendu l’attitude intérieure qui prédispose à l’expérience d’éveil et de vision intérieure. Contrairement à ce que l’on croit généralement, le Christ donne un grand nombre d’enseignements sur la méditation dans les évangiles. Je peux développer ces enseignements et vous donner quelques indications concernant la pratique de cette méditation, si vous le souhaitez.
Je vous remercie beaucoup pour les renseignements que vous m’avez donnés concernant votre lecture des écrits. J’ai été très surpris d’apprendre que vous aviez encore trouvé des ouvrages de Byse, Noble, Humman, Lorber, De Chazal, et Richer, au format pdf sur le Net. C’est une deuxième bonne nouvelle, car nombre de ces ouvrages étaient il y a encore peu quasiment perdus, je serais vraiment intéressé à avoir les liens vers ces sites de téléchargement.
Par ailleurs, je ne sais pas si je puis oser vous demander de me transmettre à l’occasion ce que vous avez sur Swedenborg et sa littérature collatérale en pdf, sur une clé usb que je pourrai vous envoyer ? Ce n’est pas que je ne puisse pas aller les télécharger moi-même sur le Web, mais simplement que je suis très occupé, en particulier avec tous les travaux de finition sur le site Swedenborg. Je vous ferai parvenir la liste des livres disponibles à la vente dès que possible.
Nicolas, Bertrand, j’espère que la notion de Jugement Dernier chez Swedenborg s’éclaire progressivement pour vous. Tout cela pose évidemment de très nombreuses questions et soulève aussi de nombreux points critiques. N’hésitez pas, en attendant le prochain chapitre sur le sujet, à poster vos réflexions, afin que nous puissions philosopher ensemble (“philosopher”, au sens de pratiquer la “sophia”, la sagesse), une petite confrérie en résultera certainement.
En attendant je pense bien à vous, et vous médite dans la lumière.
Patrick